1967. L’USM était championne de France …
C’est à partir de cet évènement que j’ai été obligé d’ovaliser toute ma jeunesse.
Tout devenait ovale.
Les ronds dans l’eau qui se formaient lorsque je lançais des galets à la surface du Tarn pour faire des ricochets.
Les bulles de savon qui s’envolaient emportées par l’Autan.
On ne disait plus rond comme une queue de pelle mais ovale comme un joueur de rugby.
Les gratte-papiers n’étaient plus des ronds-de-cuir.
Les chats ne mangeaient plus de RON-RON.
Les affaires ne pouvaient plus être rondement menées.
Exit les ronds de serviette.
Ainsi que les ronds points.
Et il devenait enfin possible de déclarer « Je n’ai plus un rond en poche ! »
Que dire du cercle vicieux qui ne nous faisait plus tourner en bourrique.
Le cercle polaire avait été renommé : « L’ellipse des extrêmes. »
Les travaux de Galilée sur la rotondité de la Terre étaient jetés à la corbeille.
La perfection du rond avait été renversée par la difformité de l’ovale.
Cette étrange malfaçon apportait au jeu de rugby l’imprévisibilité du rebond.
L’improvisation était reine.
C’est ainsi que j’ai vécu une vie ovale.
J’ai affirmé précédemment que je n’avais pas joué en club. Un seul de mes potes était licencié à l’USM. J’ai donc choisi tout d’abord le foot puis le tennis de table.
Ballon rond, balle ronde … Quel traître !
Mais l’ovale reprenait le dessus presque chaque fin d’après-midi quand la météo le permettait.
Le terrain vague derrière les blocs était notre laboratoire expérimental.
Les blocs étaient les rares immeubles (HLM) de la ville basse (zone inondable au demeurant) qui se situaient près de la gare de Montauban.
De la terre, des cailloux, des copains de l’école Villebourbon et un ballon de rugby.
Je sortais des cours à fond de cale, je faisais mes devoirs à fond de cale, j’enfilais un vieux survêtement et je fonçais vers les blocs.
Là-bas nous composions les équipes. Celle du « petit jardin » contre celle des « blocs. »
Le groupe du « petit jardin » était représenté par ma bande de potes. Nous habitions autour d’un square minuscule du quartier. C’est là que nous préparions nos entraînements.
Nous avions inventé le rugby à genoux. Deux bandes de pelouse qui se rejoignaient eu U d’à peine 30 m². On fait ce qu’on peut avec ce que l’on a. La débrouille !
Sur notre espace de jeu des blocs, délimité par des habits ou des branches, nous n’avions pas de poteaux. Le jeu de passes était essentiel. Malgré cette compétition entre les deux bandes rivales, je ne me souviens pas qu’il n’y ait jamais eu une seule bagarre. Seul comptait le plaisir du jeu, la joie de franchir la ligne quasi virtuelle d’en but et le délire lorsque nous posions le ballon au sol pour marquer l’essai.
Les parents étaient parfois sur les balcons pour nous regarder et encourager leurs marmailles.
Des grands frères venaient aussi se mêler à nous, posant une mobylette (peut-être volée ?) contre le mur.
Je rentrais chez moi les genoux et les coudes écorchés, le pantalon de survêt déchiré et ma mère me grondait. Je lui expliquais sagement : « Mais j’étais aux blocs ! »
Je me rends compte que j’ai dépassé le temps qui m’est imparti. Aussi, je vous parlerai de la Cuvette très bientôt …